Mi-Avril 2022, l’Agence de Développement des Hautes-Alpes a invité dans le briançonnais un groupe de journalistes nationaux spécialisés en hydrologie et environnement dans le cadre d’un voyage de presse sur le cycle de l’eau en montagne. Après une étude sur la naissance des cours d’eau (Durance et Clarée), l’évocation des canaux ancestraux d’irrigation et la production hydroélectrique, dernier épisode aujourd’hui à La Grave, sur le glacier de la Girose, marqueur majeur du dérèglement climatique.
Episode 3 : Les glaciers, grands témoins du dérèglement climatique
Dernier rendez-vous à 3200 m pour un groupe de journalistes nationaux spécialisés en hydrologie et environnement, invités toute cette semaine par l’Agence de Développement des Hautes-Alpes à l’occasion d’un voyage de presse sur le cycle de l’eau en montagne. Rendez-vous fixé avec cordes et crampons à La Grave, sur un glacier de la Girose recouvert d’un manteau de neige fraiche, au pied de l’un des sommets les plus mythiques des Alpes : La Meije (3984 m).
La Girose, dont la calotte glaciaire, l’une des plus vastes du massif des Écrins (et des Alpes du Sud) domine tel un balcon, le village de La Grave et la vallée de la Haute-Romanche. Un paysage néanmoins en danger comme bon nombre de glaciers à travers le monde, victimes du réchauffement climatique. Un glacier qui se retire lentement depuis quelques décennies et notamment depuis 6 ou 7 ans avec l’émergence en altitude, de surfaces rocheuses invisibles auparavant, de même que la présence d’équipements anciens ancrés dans les parois rocheuses (aujourd’hui suspendus de plusieurs mètres au-dessus de la glace), témoins de la présence ancienne du glacier à des niveaux plus conséquents.
Des secteurs où l’on assiste également à des effondrements de plus en plus nombreux, à cause de la fonte du permafrost, cette glace qui fait “colle” à l’intérieur des fissures du granit qui, quand disparaît une partie de la masse glaciaire qui appuie sur le caillou, déstabilise la roche.
“Si rien n’est fait pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, les glaciers des Alpes risquent de disparaître à plus de 90% d’ici à la fin de ce siècle” lance Maxant Dahilo, guide de Haute-Montagne à La Grave qui voit changer le paysage du glacier au fil des saisons et des aléas climatiques. Un patrimoine, un véritable capital naturel qui disparaissent lentement, inexorablement. Selon une récente étude, les glaciers ont perdu plus de 9 000 milliards de tonnes de glace entre 1961 et 2016, ce qui a entraîné aussi une élévation de 27 millimètres du niveau global de la mer au cours de cette période.
Les glaciers des Hautes-Alpes appelés à disparaitre ?
« Les glaciers sont des sentinelles du climat et l’une des richesses majeures des Hautes-Alpes mais ils sont condamnés à disparaître », constate un brin fataliste Richard Bonnet, responsable du service scientifique du Parc national des Écrins. « Si on respecte les engagements de la COP 21, nous n’aurons plus que 16% de la masse des glaciers en 2100. Si on ne fait rien, il n’en restera que 1% ». Tout est dit. Sur la Girose, à 3600 m d’altitude, l’inexorable recul est flagrant.
« Nous constatons désormais que, quoi qu’il se passe, quelles que soient les conditions, la masse glaciaire diminue », relève M.Bonnet et de citer un autre exemple qui l’observe de près, celui du glacier Blanc. Ainsi, l’été dernier, malgré les fortes chutes de neige du printemps (la troisième plus forte accumulation depuis 2000) et le mauvais temps de juillet, les espoirs ont été déçus sur ce glacier haut-alpin, emblématique des Écrins. Chaque année, au début de l’automne, les équipes du Parc national et de l’INRAE (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) effectuent un bilan de masse. 58 centimètres d’équivalent en eau ont disparu du glacier Blanc l’été dernier, qui en avait déjà perdu 29 centimètres en 2020. « La fonte s’est révélée soutenue en septembre, du fait de températures assez élevées en journée et de nuits douces ne permettant que peu de regel. À l’altitude du front du glacier (2400 – 2500 mètres), la fonte cumulée a été très forte sur août et septembre, avec 70 centimètres de glace perdus tous les 15 jours » précise M.Bonnet.
Depuis 2000, date à laquelle le Parc national des Écrins a mis en place un protocole de mesure du bilan de masse du glacier Blanc, la perte cumulée est de 15,24 m de perte d’eau, soit 16,80 m d’épaisseur en moins. En 35 ans, le front du glacier a reculé de plus d’un kilomètre.