La gestion locale de l’eau en montagne
Des canaux d’irrigation à la production d’électricité

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Des canaux d’irrigation à la production d’électricité

La gestion locale de l’eau en montagne
Des canaux d’irrigation à la production d’électricité

Mi-Avril, l’Agence de Développement des Hautes-Alpes a invité un groupe de journalistes nationaux dans le briançonnais autour d’un voyage de presse sur trois jours, intitulé « L’eau, force vive de la montagne ». C’est le premier des quatre volets saisonniers qui seront consacrés à cette thématique au cours de l’année 2022.  L’occasion de mieux comprendre le cycle de l’eau, les enjeux, les usages et la mobilisation des montagnards haut-alpins pour préserver et réguler une ressource aussi vitale que fragile. 

 

Episode 2 : la gestion locale de l’eau en montagne, des canaux d’irrigation à la production d’électricité

Après une entame à Montgenèvre, aux sources de la Durance puis au fil de la Clarée autour de l’évocation des « adoux » avec la Fédération Départementale de la​ Pêche, rendez-vous à Briançon pour un groupe de journalistes nationaux. Briançon, au cœur d’un vaste réseau de canaux d’irrigation dédié à l’agriculture certes mais aussi lié à de nombreux barrages pour la production hydroélectrique.

De Briançon à Guillestre, il existe quelque 340 canaux d’irrigation, dont les principaux datent du XIVème siècle. « C’est une richesse qui intéresse l’Europe », observe avec passion Raymond Lestournelle, Président de la Société Géologique et Minière du Briançonnais. « Leur création est liée à la charte des libertés de 1343 par laquelle le dauphin Humbert II avait accordé une semi-autonomie aux communautés briançonnaises. Et ils fonctionnent encore ! ». 

Ces canaux, qui permettent l’irrigation par voie gravitaire, sont encore bien visibles en milieu urbain à Briançon. « Les droits d’eau sont inaliénables. Ces canaux rappellent le temps où il y avait des champs à arroser dans la ville » précise-il et d’ajouter : « Ils ont d’autres atouts. Comme le taux de perte est important dans ces canaux à ciel ouvert, ils rechargent les nappes phréatiques de mai à septembre, avec de l’eau épurée. Ils ont aussi un rôle écologique majeur en servant de drains à certains endroits. Et ce sont des lieux de balades très agréables ». Certains de ces canaux étaient également dédiés aux moulins (il en existait plus d’une centaine dans le Briançonnais) ou à de petites entreprises familiales saisonnières (forges, filatures, tanneries…). Au XIXème siècle, on a ainsi pu compter jusqu’à 52 établissements artisanaux le long de la Guisane.

L’apparition de l’électricité a aussi bouleversé ce paysage de montagne au XXème siècle. À Briançon, une première centrale est construite en 1894 sur la Cerveyrette par des pionniers de l’hydroélectricité, MM. Guitton et Bertolus. Aujourd’hui encore, la ville présente la particularité de disposer d’un producteur et distributeur d’énergie spécifique, EDSB (Énergie Développement Services du Briançonnais), héritier d’une régie créée en 1924. Près de 43 millions de kWh ont été produits localement en 2021, soit 44% de la consommation de Briançon et Saint-Martin-de-Queyrières, proportion qui grimpe à 89% des besoins si l’on ne tient compte que des particuliers. L’énergie produite dans le Briançonnais est d’origine hydraulique à 96%, grâce au barrage du Pont Baldy et aux micro-centrales de la Schappe, du Randon et du Fontenil.

Cette production est cependant soumise aux aléas météorologiques. Ainsi, en 2021, la production hydroélectrique a diminué de 17%. « Cette diminution s’explique par différents facteurs climatiques » explique-t-on à l’EDSB. « Peu de précipitations ont été enregistrées à l’automne 2020, la fonte de neige au printemps est restée faible et l’année a été relativement sèche. Les prévisions pour 2022 ne sont d’ailleurs pas plus optimistes ».

 

FOCUS  

Laves torrentielles : un risque à ne pas négliger  

Le phénomène des laves torrentielles est spécifique au milieu montagnard. Il est assez répandu dans le Briançonnais, du fait de sa configuration géologique. Parisienne d’origine, Danielle Blanchon en a découvert tout le danger, à la suite d’un orage sur le Verdarel, un torrent de Saint-Chaffrey. « J’ai été sinistrée le 9 juillet 1981 et je reste traumatisée », avoue celle qui s’est d’ailleurs consacrée à cette question au sein de la Société géologique et minière du Briançonnais. « Au-dessus de ma tête, il y a toujours 4 millions de m3 de moraines glacières qui peuvent glisser en cas de forte pluie ». 

Issues des anciens glaciers, les moraines, constituées de gros blocs, galets et particules plus fines, sont très sensibles à l’érosion. « Dans le cas du Verdarel, elles peuvent atteindre 37 m d’épaisseur à certains endroits », témoigne Danielle Blanchon. « Placée sur un terrain parfaitement imperméable, la moraine glisse en cas de forte pluie et les berges s’écoulent en même temps ». Cette sorte de boue très épaisse et très dense, la lave torrentielle, peut entraîner avec elle de gros blocs de rocher. « Le sinistre dont j’ai été victime date de plus de 40 ans. Les gens ont tendance à oublier ce risque, mais il reste bien présent » conclut-elle.

2022-04-29T16:48:53+00:00